Jamais. Nooit. Never. Une bière naturelle et spontanée comme le lambic ne peut être ni apprivoisée, ni conditionnée, ni cataloguée. Comme la Brouwerij 3 Fonteinen est l’un des derniers brasseurs et assembleurs traditionnels de lambic et de gueuze, nous ne pouvons pas produire des bières standards. La raison est simple : c’est Mère Nature elle-même qui fait les règles du jeu, et la dame est capricieuse. Pendant le brassage, la fermentation et le stockage, il se passe un tas de phénomènes que nous, brasseurs-coupeurs, ne pouvons pas contrôler. En fait, notre travail consiste à laisser les choses se dérouler.
Et ça commence dès le choix des ingrédients. En tant que petite brasserie, nous n’avons pas d’orge ou de blé standard. Pour ces deux ingrédients essentiels, nous recherchons d’anciennes variétés du Pajottenland, aujourd’hui disparues. Mais même si nous parvenons un jour à récolter ces graines à plus grande échelle, nous ne les adapterons jamais aux normes de l’agriculture industrielle. Diversité assurée. Le blé est également extrêmement sensible aux conditions météorologiques, qui influencent les caractéristiques du grain: teneur en protéines, acidité et activité enzymatique. Cela signifie qu’il n’y aura jamais deux récoltes identiques.
Le houblon suranné est un autre ingrédient essentiel. Comme tous les houblons, les ‘vieux‘ houblons assurent la conservation d’une bière, mais perdent un peu de leur amertume avec l’âge, ce qui permet à la saveur typique du lambic de mieux ressortir. Nous avons déjà travaillé avec des houblons Challenger, Golding, Saaz, Hallertau et Hersbrücker âgés d’au moins trois ans — et même fait quelques essais avec de vrais seniors, âgés de plus de dix ans. Là encore, nous recherchons des agriculteurs désireux de restaurer des variétés perdues telles que le Coigneau, le Green Bell et le Record. Et en tant que brasserie, inutile de dire que nous allons continuer à expérimenter, comme pour le blé. Notre but n’est pas de trouver un houblon standard pour ne plus utiliser que celui-là.
Ça commence par le choix des ingrédients. Nous n’avons pas d’orge ou de blé standard, pas de houblon standard et pas de fruits standards.
La Brouwerij 3 Fonteinen suit également le rythme des saisons: pendant les mois froids, nous brassons, pendant les mois chauds, nous partons à la recherche des meilleurs fruits. S’il n’y a pas deux années identiques, les fruits développent également un caractère différent au sein d’une même saison: une framboise de printemps diffère d’une framboise d’été, qui diffère d’une framboise d’automne. Plus nous sommes proches des ingrédients, plus nous apprenons à bien ressentir les saisons. La période de récolte des griottes de Schaerbeek est par exemple très courte. Sans oublier qu’il s’agit d’un fruit très capricieux. Son goût et son rendement dépendent des périodes sèches et humides et ce petit fruit est également très sensible au gel. Prévisibilité? Zéro.
Il n’y a pas deux journées de brassage identiques.
L’installation de brassage de la Brouwerij 3 Fonteinen n’est pas entièrement automatique. Sur notre installation de 4.000 litres à Beersel, une ou deux personnes (de préférence deux) veillent au grain pendant au moins 13 heures. Un filtre dans la cuve de brassage menace de se boucher? Un ordinateur ne pourra pas le voir, il faut donc qu’un homme intervienne. Et les humains ne sont pas des robots. Lors des différents paliers de température et de la phase du moût trouble, il existe de toute façon de légères variations dans les temps de cuisson et les degrés, en fonction des grains utilisés. Ce n’est pas un problème.
En outre, nous ne brassons que les jours où l’on sait que la nuit qui suit ne dépassera pas 8 °C. La période de brassage s’étend donc de la mi-octobre à la mi-avril, au plus tard jusqu’au début du mois de mai. Ce sont les mois les plus chargés de l’année. Pendant les longues nuits où nous exposons le brassin à l’air ambiant dans le bac de refroidissement, les éléments sont particulièrement capricieux. La température extérieure, la direction du vent, l’humidité, la pression atmosphérique et même la position de la lune influencent l’évaporation du brassin et des organismes actifs dans l’air. Et c’est ce qui sera déterminant pour les années à venir.
Pendant une longue nuit nous exposons le brassin aux éléments dans le bac de refroidissement, et ils sont particulièrement capricieux.
Les conditions météorologiques influencent également la perte d’humidité. Si 4.000 litres quittent la cuve d’ébullition pour le bac de refroidissement le soir, il n’en reste au matin qu’entre 3.000 et 3.400. Jusqu’à 25% du brassin s’est donc simplement évaporé. Et cette marge est très imprévisible, car purement liée aux éléments naturels. Quand nous évaluons les quantités le matin, il n’y a pas de bon ou de mauvais résultat, uniquement un rendement différent chaque jour.
Le fût de chêne est un biotope en soi.
Chaque nuit de brassage donne un volume de moût différent. Et ce n’est que le début. La dynamique du fût de chêne est le prochain facteur à entrer en jeu. C’est là que le moût frais se transforme lentement en jeune lambic. Outre le nombre de mois ou d’années passées en fût, trois autres éléments influencent l’évolution de la bière.
Le premier: la taille et la forme du fût. Bien qu’il soit difficile de prédire la direction que prendra un lambic, les grands fûts induisent un rythme différent de fermentation et de conversion alcoolique que les petits fûts. C’est pourquoi nous ne voulons absolument pas d’une forme ou d’une taille unique. Même pour nous, une promenade dans le chai de fûts reste un plaisir: nous aimons regarder la collection de barriques de 400 litres, de grands foudres de 2.500 litres, et de ces immenses tonneaux ovales qui peuvent contenir jusqu’à 8.500 litres.
Le second: le bois. Le bois de chêne est un organisme vivant. À travers les douelles de la barrique, le CO2 libéré lors de la fermentation s’échappe. Inversement, une certaine quantité d’oxygène pénètre dans le fût et dans la bière. Plus le bois est poreux, plus ce phénomène est facilité, et là encore, il n’y a pas de bon ou mauvais choix. La porosité dépend de la région où l’arbre a poussé, de son âge, de la partie du tronc utilisée et même de la méthode d’abattage et de sciage. L’âge de la barrique elle-même génèrera des dynamiques et saveurs différentes les années suivantes.
Le troisième: la période de l’année. Alors que certains lambics ont encore du mal à se mettre en route en novembre, en mai, cela se fait presque naturellement. Bien sûr, avec le lambic, la fermentation se fait toujours toute seule — nous n’ajoutons pas de levures — mais les micro-organismes dans le chai de fûts sont tout simplement plus actifs certains mois que d’autres. La vitesse à laquelle le brassin prend vie influence également le résultat final.
Le secret d’une bonne gueuze.
On ne brasse pas une gueuze traditionnelle, on la mélange, on l’assemble ou on la coupe. Réunissez dans une même bouteille un jeune lambic (au moins 12 mois), un lambic semi-vieux (environ 18 mois) et un vieux lambic (au moins 36 mois), et tout se remet à vivre. Ici aussi, il est impossible d’établir une norme. C’est là tout l’art de l’authentique assembleur de gueuze que de jouer avec le nombre de brassins, le nombre de fûts et les proportions des différents âges dans un même assemblage. Les seuls critères de valeur sont le goût et l’arôme.
Nous nous appuyons évidemment sur une longue tradition, transmise de génération en génération. Et évidemment, nous savons quel goût peut avoir une 3 Fonteinen. Mais nous ne dirons jamais quel goût elle doit avoir. Si le nez d’un bon assembleur s’affine avec l’expérience, les règles du jeu ne sont pas gravées dans le marbre. Ça doit rester amusant, pas vrai? Nous avons donc déjà créé des assemblages à partir de trois fûts et trois brassins différents — le strict minimum — jusqu’à plus de huit fûts avec douze brassins différents.
Mais ici encore, rien n’est joué. Dès que la gueuze est assemblée, la refermentation en bouteille commence, et ce phénomène est lui aussi imprévisible. De notre côté, nous mesurons la densité du mélange afin de savoir s’il y a suffisamment de sucres résiduels pour que les levures puissent se nourrir. Mais ces degrés Plato ne garantissent rien. Il se peut qu’un assemblage à fort potentiel ne réagisse pas, que les levures ne fassent pas leur travail et que la bière reste plate. Ou que les organismes ne se réveillent qu’après un long moment. Il faut se faire à l’idée : pour nous, simples humains, les mécanismes des Brettanomyces sont impénétrables
Chaque assemblage est unique et nous tenons à le faire savoir.
Nous n’allons pas le cacher: tous les assemblages de la Brouwerij 3 Fonteinen sont différents les uns des autres. Ça a toujours été le cas. Au cours de la saison 16|17, nous avons également commencé à indiquer plus clairement les dates d’embouteillage sur la bouteille. Chaque date correspond à un assemblage spécifique et unique. C’était d’ailleurs un choix pragmatique: avec toute l’équipe, nous assemblons proportionnellement la quantité que nous pouvons embouteiller en une journée.
En d’autres termes, si vous avez acheté deux bouteilles de la même bière 3 Fonteinen avec deux dates d’embouteillage différentes, vous avez acheté deux bières différentes. Alors, réunissez quelques amis et passez une soirée pour (apprendre à) discerner les fines nuances d’arômes et de saveurs de ces assemblages! Après tout, c’est la raison pour laquelle nous continuons à faire tout ça.